Le monde d’après est-il synonyme de déflation ?

Nous n’avons jamais connu de chocs économiques et monétaires aussi grand. 
Chose rare : les économistes nous disent que l’offre s’est effondrée en même temps que la demande. En effet, le nombre de personnes en capacité de faire des achats a fortement diminué en même temps que la capacité à produire des entreprises s’est effondrée.
Cela se résume en une situation assez simple : confinement oblige, beaucoup d’entre vous ne peuvent plus aller travailler et ont vu leurs revenus diminuer ou disparaître en fonction des cas.

Historiquement une telle période aurait enclenché une crise économique déflationniste d’anthologie comme dans les années 30. 
Aujourd’hui – et ce pour ne pas reproduire ce qu’il s’est passé suite aux dernières grandes cirses – les états et les banques centrales sont à la manœuvre à grand renfort d’injections monétaires tant dans le circuit de la finance que dans l’économie réelle.
Le bilan de la banque centrale des États-Unis illustre bien le choc monétaire que les états ont mis en route sur le plan budgétaire. Les dépenses sont également massives étant donné que l’inflation est avant tout autre chose un phénomène monétaire. 

Mais alors, comment une crise déflationniste par nature pourrait se transformer en crise inflationniste carabinée ? Explication et analyse de ce phénomène qui risque d’arriver.  

Beaucoup de personnes comparent cette période à la grande crise de 1929 ou, dans une moindre mesure, à celle de 1968 (à cette époque la production dans le pays s’était aussi arrêtée en France car une bonne partie de la France était dans la rue).

Pourtant ces deux exemples, bien qu’intéressant à étudier car ce sont nos seuls points de comparaisons historiques, n’ont pas grand-chose à voir avec ce que nous vivons aujourd’hui. 
Deux facteurs majeurs nous distinguent fondamentalement de tout ce que nous avons connu auparavant : 

  • L’existence d’internet 
  • L’endettement massif 

Pour particuliers, entreprises ou États, internet est un facteur clé et non négligeable : dans les crises précédentes, le manque d’informations actualisées et le manque de communication entre les décideurs à travers le monde ont fait des ravages.
C’était le cas lors de la crise de 1930 : les informations se propageaient très lentement et les remontées d’informations du terrain n’était pas du tout aussi précises qu’aujourd’hui.
En effet, en 1930, un Chef d’État avait peut-être 90% des indicateurs en moins sur son tableau de bord. De plus, ces indicateurs s’actualisaient évidemment beaucoup moins rapidement. Si on compare la gestion d’un État à une course d’orientation, Herbert Hoover, président des USA en 1930, s’orientait avec une carte en papier mise à jour une fois par an tout au plus.  Trump, quant à lui,  est armé d’un smartphone dernière génération. 

Certes, ces deux crises sont différentes. Mais la manière d’interagir face à une crise est non négligeable. 
Ces deux présidents ne vivent pas une crise de la même manière : les contraintes comme les possibilités de développements sont incomparables. 
En 2020, une crise déflationniste par manque de réactivité des autorités est très peu probable tant la vitesse de réaction est grande. 
Finalement, le seul véritable moyen pour qu’il y a ait une crise déflationniste aujourd’hui serait une perte de la confiance dans la monnaie.

Nous avons constaté dans la première partie de cet article qu’une déflation par perte de contrôle de la monnaie ou du peuple serait très peu probable. Que peut-il alors se passer ? 

Un constat sur cette crise est clair : l’État tente de maintenir le pouvoir d’achat des français. 

En injectant de l’argent à tout va, le chômage partiel pour tous ou le report des divers prélèvements opérés par l’État sont de bons exemples d’argent injectée dans l’économie. Cela coûte cher mais, dans un premier temps, cela permet au tissu économique de ne pas s’effondrer sur lui-même.  
En revanche, payer les français à rester bricoler chez eux, cela revient en termes économiques à stopper la production : les entreprises sont à l’arrêt tout en maintenant le pouvoir d’achat.  Bilan : autant d’argent pour moins de biens et services en circulation. 

Cela nous fait doucement penser à une recette de crise inflationniste. 
Le fait que les français soient dans l’obligation de rester chez eux, qu’ils n’aient pas forcément de vision précise et concrète sur l’avenir, les oblige à épargner. Bien plus que d’habitude. 
Malheureusement, épargner ne relancera pas l’économie. 

Comprenez maintenant les raisons pour lesquelles notre ministre des finances, Bruno le Maire, vient nous expliquer que mettre des sous de côté en ce moment, ce n’est pas bien. Tout cela devrait logiquement être arbitré par le niveau de taux d’intérêts, mais nous sommes en crise. Ce sont donc aux français de faire des efforts. Malheureusement, comme la banque centrale européenne s’est chargée de définir ce qui était un bon niveau de taux d’intérêt, la régulation ne se fait plus. 

Le second problème, non négligeable également, est la dépense. 
Magasins fermés, vacances interdites, pas de voitures au-delà d’un kilomètre…Compliqué de dépenser tel un épicurien. 
De plus, les revenus sont, globalement, en baisse par rapport à l’avant crise. Nous pouvons donc faire une croix sur un quelconque niveau de croissance équivalant à ce qui prévalait avant la crise. 

Prenons un exemple simple pour imager cela :  un ménage avec un revenu de 2 mille euros avant la crise passe à 1500 euros pendant la crise. Monsieur et madame ont 86 % de leur salaire au chômage partiel mais madame n’a plus les heures supplémentaires et monsieur n’a plus les primes. Ils se retrouvent avec 75 % de leurs revenus. En revanche, ils n’ont plus aucun frais de déplacement, ne payent plus la cantine des enfants qui sont à la maison. Plus de frais de garde ou plus de frais pour les activités, monsieur ne va plus voir les matchs le samedi et madame ne fait plus de shopping sauf un peu sur Amazon. 
Concrètement, leur train de vie passe de 1800 euros par mois à 1200 euros par mois avant la crise. Ils mettaient 200 euros de côté et pendant la crise, 300 euros de côté. 

Du côté des entreprises, elles vendaient chaque mois pour 1800 euros de biens et services à notre famille. Aujourd’hui, elles vendent plus que 1200 euros environ soit 35% de moins.  C’est à peu près la chute du PIB qu’on observe sur mars et avril. En précisant que nous faisons l’impasse sur pas mal de choses comme l’investissement pour simplifier le raisonnement. 

Suite à ce constat, deux choses sont à noter : 
– De nombreuses entreprises vont faire faillite car les marges des entreprises sont faibles en France. Cela va poser problème après le déconfinement puisque monsieur ou madame va se retrouver au chômage.
– Une fois le déconfinement réalisé, seul monsieur retournera travailler et les 600 euros qu’ils ont mis sagement de côté sur mars et avril leur serviront à financer le temps où les revenus de madame qui se seront effondrés car elle sera en recherche d’emploi. 

En termes monétaires, on verra apparaître de l’inflation si l’État continue à donner de l’argent à des ménages qui ne consommeront que l’essentiel pour s’en sortir. De ce fait, nous nous retrouvons avec le prix des produits alimentaires de base qui augmentent et les prix des produits plus secondaires qui diminuent. 

Nous pouvons donc tirer certaines conclusions de ce que vous venons d’expliquer : 

  • D’abord, ne comptez pas sur une reprise fulgurante de l’économie. Dire aujourd’hui que l’économie va retrouver son niveau d’avant c’est dire qu’un couple qui gagne aujourd’hui 1500 euros, et dont l’un des deux conjoints va tomber au chômage, va retrouver son niveau de revenu d’avant crise dès le 11 mai. 
  • Quant aux entreprises, cela voudrait dire qu’aucune ne fera faillite et que la quantité de production de biens et services sera au même niveau qu’avant la crise. Sachant que la Coface annonce une hausse des faillites de 25 % pour 2020…

Et l’inflation là-dedans ?

Une chose est sûre : cette dette est à taux fixe. 
Cela signifie, simplement, que notre couple avec enfants dont un seul parent a retrouvé du travail après le déconfinement va voir ses revenus baisser mais ses crédits rester au même niveau. 

Deux solutions s’offrent alors à notre couple : 

  • Ils ont de l’épargne et décident de rembourser leurs emprunts au plus vite ce qui est un mécanisme déflationniste. 
  • Ils n’ont pas d’épargne et se retrouvent dans l’ennui profond qui peuvent les conduire à un défaut de remboursement de leur prêt immobilier, auto ou crédit à la consommation. Ceci est également un mécanisme déflationniste. 

Pour autant, comme nous l’avons noté au début de cet article, nous ne sommes pas en 1930 et les gouvernements sont bien conscients de cette situation. L’État pourrait décider de continuer à verser de l’argent pour maintenir le système d’une façon ou d’une autre. Des prêts ou des aides directes à l’entreprise de Madame pour qu’elle ne soit pas licencier ou une rallonge directement envoyée aux ménages. 

Aujourd’hui, nous ne savons pas ce qui est dans les tuyaux car tous les mécanismes en place sont essentiellement basés sur la période de confinement mais on abordera très probablement ce sujet une fois que nous serons confrontés à la peur de la déflation. Un scénario déflationniste dans une économie endettée est équivalent à une fin de partie puisque la pyramide du crédit s’écroule faute de personnes aptes à rembourser. 
C’est dans cette hypothèse que l’État imprimera ce qu’il faudra et qu’il est possible que l’on voit apparaître de l’inflation sur certains produits. 
C’est déjà le cas avec l’or, actif qui réagit à l’inflation monétaire. Mais cela est aussi le cas avec l’alimentation comme nous savons qu’imprimer de l’argent ne règle pas les problèmes mais en créer de nouveaux (des problèmes). 

On verra encore plus de déséquilibres apparaître de ci et de là. 

À partir de ce moment, absolument rien n’est lisible ou prédictible, tout dépend des réactions des uns et des autres face à des crises. L’État pourrait provoquer alors une inflation volontaire pour réduire les dettes. Cela reviendrait à faire exploser l’euro assez rapidement ou, à moindre mesure, la perte de confiance dans la monnaie, ce qui ferait exploser le prix de l’or et des actifs réels. Ou bien, l’Europe pourrait se maintenir dans ses dogmes inflexibles et nous plongerons dans la déflation jusqu’à ce que des équivalents aux « gilet jaune » fassent sauter le système politique. 

Finalement, nous finirons plus pauvres à coup sûr. 
Warren buffett imself a tenu son assemblée générale samedi dernier.
Un message à retenir : tous aux abris. 

En conclusion, pour le moment, inflation ou déflation, personne n’en sait rien. En revanche, nous savons que l’économie réelle est en crise et qu’à ce jour nous ne sommes pas prêt d’en voir le bout.